Un mot sur le fromage tout d’abord : de préférence, pour plus de goût et une texture plus onctueuse et moins élastique, choisir une raclette au lait cru produite par un vrai fromager que vous ou votre commerçant découperez vous-même. Outre une saveur plus riche, ça fera moins d’emballage plastique et ça vous coûtera moins cher !
Et maintenant, le vin. Clairement, on recommande plutôt un vin blanc. Pour autant, on a aussi pensé aux amateurs de tanins (bon, en vérité, la couleur rouge du vin est apportée par une molécule appelée anthocyane et non par les tanins, mais c’est une autre histoire qu’on vous racontera à l’occasion).
Revenons-en donc à nos poêlons.
Du blanc, pourquoi ? Parce que dans la composition du fromage entre la caséine, une protéine qui n’aime pas du tout les tanins. Or les vins rouges contiennent toujours des tanins, en plus ou moins grande quantité selon les cépages, les millésimes, et la vinification. A partir de là, quand Caséine rencontre Tanin, la romance tourne mal assez rapidement en bouche, et laisse une sacrée sensation d’amertume. On garde le goût du fromage, dominant, mais les arômes et la structure du vin sont eux malmenés, voire anéantis. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on vous déconseille d’ouvrir votre Châteauneuf-du-Pape avec votre plateau de fromages. Mais là encore, on s’éloigne du sujet, retournons à nos caquelons.
Convaincus de rejoindre la Team « Blanc » ? Allons consulter nos experts.
« Pour changer un peu des appellations Savoie classiques, je suggère un vin d’assemblage, recommande Thibaut Toix, sommelier savoyard et formateur à l’Université du Vin. Par exemple la cuvée « Coup de Théâtre » du domaine Berthollier, en IGP Vin des Allobroges. C’est un assemblage de jacquère, d’altesse et de roussanne, on aura donc à la fois la vivacité de la jacquère et l’intensité aromatique des deux autres cépages ».
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Mathilde Morel, œnologue et également formatrice, met le cap un peu plus au nord, jusqu’au Jura. « Pour être un peu original, on peut arrêter son choix sur un savagnin ouillé*, comme la cuvée « Savagnier » du domaine Berthet-Bondet. On aura des épices et des notes d’agrumes, et toujours de la fraîcheur ».
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« En fait, beaucoup de vins blancs sont racletto-compatibles, résume Caroline Daeschler, sommelière-formatrice. Il faut juste se méfier des vins très ensoleillés ou très boisés, qui présentent des profils massifs et qui ajouteraient de la lourdeur à un plat qui ne se distingue pas parce sa légèreté et sa digestibilité. Donc on garde son Condrieu ou son Pessac-Léognan pour une autre occasion. Personnellement, un Pouilly fumé du domaine Denizot fera mon bonheur. Le salé du fromage mettra en valeur le fruité du vin ».
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Autres suggestions d’accords possibles : un chenin de la vallée de la Loire, un chardonnay du Beaujolais, du Mâconnais ou de la Côte chalonnaise, un Chablis, un riesling d’Alsace, un chasselas suisse, un aligoté…
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Team « Rouge » dans la place
Vous êtes définitivement rouge avec la raclette ? La première piste à suivre est de choisir un vin pas trop tannique dominé par les arômes de fruits et non élevé en fûts de chêne (le chêne apporte également des tanins). Les vins de type méridionaux ou du bordelais sont également souvent plus tanniques, donc on évitera également, sauf si on a un caviste qui connaît toutes ses cuvées sur le bout des ongles.
Qu’en disent nos spécialistes ?
« Pourquoi pas un gamay Saint-Romain, répond Thibaut Toix. C’est une variante du gamay que l’on cultive en AOC Côte Roannaise. Son profil plus épicé et simultanément très gouleyant est particulièrement adapté aux salaisons, notamment fumées ».
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« Dans tous les cas, je partirais sur un vin septentrional, renchérit Mathilde Morel. Il faut rester dans un esprit digeste avec un vin offrant de la fraîcheur** pour casser le gras en bouche. Un AOC Saint-Pourçain des Terres d’Ocres, cuvée Instan T ferait parfaitement l’affaire. C’est un assemblage de gamay et de pinot noir très bien travaillé ».
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« On pourrait même filer jusqu’en Corse avec un 100% cépage sciaccarellu, complète Caroline Daeschler. La cuvée Robe d’ange, du Clos Fornelli, est un modèle en la matière : du fruit très juteux, un peu d’épices, des notes florales. C’est un accord exotique mais plein d’énergie, et pour continuer dans cet esprit insulaire, pourquoi ne pas lui adjoindre une sélection de charcuteries de l’Ile de Beauté ? »
Autres suggestions d’accords possibles : un jeune poulsard du Jura, un Beaujolais ou un Beaujolais-villages, un pinot noir d’Alsace (non boisé), un Bordeaux clairet, un Tavel, un grolleau IGP Loire…
Pour aller plus loin :
Atelier « Vins et fromages, des accords qui étonnent » à Lyon et Suze-la-Rousse
*Aïe, qui veut dire ouillé ? Élevé à l’abri de l’oxygène pour ne pas altérer ses arômes, contrairement au Vin jaune jurassien
**Note pour plus tard : garder au chaud l’idée d’expliquer pourquoi, pour les spécialistes, la fraîcheur d’un vin ne désigne pas forcément sa température
PS : « On a fait de la raclette, ça ne t’embête pas ? Euh noooon ». La raclette, ça peut lasser. Passons nous des variantes industrielles aromatisées qui contiennent souvent des additifs. Pour casser la routine, invitez plutôt des guests : morbier, bleu de Gex…